Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 11:20

    Sous ce titre, je désigne l'enchaînement de voies d'escalade qui, du pied de Sainte-Victoire atteint la Croix de Provence, sommet occidental de la montagne.

    Il s'agit pour cela d'escalader successivement la Voie des Moussaillons, l'Arête du Jardin et l'Arête Sud-Ouest, parcours de difficulté modeste, les pas d'escalade ne dépassant pas, ponctuellement, le 4c, mais qui est d'une belle envergure, développant 400 m d'escalade peu soutenue, et s'apparentant à une petite course en montagne.

   C'est l'objectif que nous nous sommes fixés aujourd'hui, avec presque la même équipe que mercredi dernier à l'Arête d'Aix, moins Colette et Rémi.

 

   Cette fois nous démarrons un peu plus tôt, à neuf heures, du parking d'En Chois, compte tenu de la longueur de la voie. Le temps est légèrement couvert et il souffle un petit vent d'est frisquet. La météo nous annonce quelques averses éparses pour l'après-midi, mais cela ne nous inquiète pas beaucoup : la voie n'est guère engagée et des échappatoires sont possibles jusqu'au pied de l'Arête Sud-Ouest.

    Assez lourdement chargés - nous emportons deux cordes de quatre-vingts mètres - nous prenons donc la direction du refuge Cézanne puis obliquons à droite par le tracé brun des Corniches Sud pour arriver au pied de la Voie des Moussaillons vingt minutes plus tard.

    De tout le parcours prévu, c'est la première longueur qui est la plus problématique. En effet, elle se déroule sur une grande dalle de "brèche du Tholonet", très peu protégée et en 4 c assez soutenu. Par ailleurs, cette brèche du Tholonet devient très peu adhérente par temps humide, ce qui est le cas aujourd'hui !  Alain démarre en tête, assuré par Jean-Pierre avec qui il fera équipe, et gagne rapidement de l'altitude. Seuls ses chaussons - il en a pris de plus confortables pour aujourd'hui, mais ils sont moins précis - lui posent quelques problèmes, de même que le cheminement de la voie. Je le lui indique au fur et à mesure de sa progression et, sans beaucoup d'hésitation atteint le premier relais à gauche de la dalle.

   Jean-Pierre grimpe à son tour et, très vite, se demande comment il a pu escalader cette longueur en tête il y a encore trois ou quatre ans... Eh oui, Jean-Pierre, nous avons vieilli : la vie ne fait ne fait pas de cadeaux !

   Dès que Jean-Pierre a atteint une dizaine de mètres, Charles attaque à son tour. Lui aussi s'élève très vite ; je constate que, malgré son peu de grimpe car il n'a guère le temps de grimper dans la Marine, mon fils a un solide mental et une bonne technique. Tant mieux, car lorsque vient mon tour de m'attaquer à la dalle, je me demande moi aussi si ce n'est pas dans une autre vie que j'ai fait ce parcours entièrement en tête !

  D'entrée de jeu, je ne suis pas très fier ; le pas au-dessus du premier piton me pose d'intéressantes questions métaphysiques... et physiques tout court car je mets un bon moment à comprendre le mouvement adéquat.

 Puis, la traversée, légèrement descendante, jusqu'au relais m'interpelle également avec insistance et, recommandant à Charles la plus grande vigilance car il n'a aucun héritage digne de ce nom à espérer de ma part, je négocie finalement pas trop mal cette traversée et arrive au relais en ayant l'impression d'avoir tiré une longueur en "6" !

 

  La deuxième longueur est moins difficile : il faut d'abord s'élever directement au-dessus du relais par un passage vertical un peu délicat, puis traverser à nouveau à gauche en suivant une strate facile bien pourvue en prises pour passer enfin à droite d'un gros surplomb de rocher rouge et atteindre le relais suivant ua niveau d'un pin par une terrasse caillouteuse.

    Au-dessus, un passage en surplomb facile mais en mauvais rocher demande quelque attention. En outre, il est très difficile de protéger correctement cette longueur, mais Charles est à l'aise sur ce genre de terrain et le passage est rapidement franchi.

   Je gravis la longueur suivante, très facile, en tête et rejoins Jean-Pierre au pied d'une belle dalle inclinée en excellent rocher.

   Cette dalle est tout d'abord très bien protégée par trois solides pitons, mais, au-dessus, Charles doit ajouter un coinceur pour assurer un passage dans un rocher moins engageant. Les deux dernières longueurs de l'Arête des Moussaillons sont gravies sans problèmes, un ou deux "friends" et des sangles autour d'arbustes en protégeant les passages les plus délicats.

 

    La première partie de cet enchaînement de voies est terminée. C'est la partie techniquement la plus difficile du parcours, mais il reste une longue partie d'escalade avent le sommet et je me sens particulièrement fatigué ; en outre, je souffre d'une assez forte douleur au tendon d'Achille gauche, ce qui ne contribue guère à me mettre en confiance ! Mais il faudra faire avec...

   Avant l'attaque de l'Arête du Jardin, s'ensuit une longue portion de marche "aux anneaux", entrecoupée de quelques pas d'escalade sans difficultés, mais cet exercice, sur ce terrain raide et escarpé, sollicite encore plus mes tendons et la marche est laborieuse.

   Je souffle comme un boeuf lorsque nous atteignons le pied de la première longueur de l'Arête du Jardin. C'est une dalle compacte, sans aucune possibilité d'assurage sur dix mètres. Heureusement, elle est n'est pas difficile, du III+  au maximum, et Charles surmonte rapidement le passage.

   Ensuite, il faut redescendre un peu dans une petite brèche où je fais relais tandis que Jean-Pierre attaque la longueur suivante, la plus délicate de l'arête.

  Lorsque Charles aborde à son tour ce passage, il "bataille" un peu dans une fissure malcommode et, alors qu'il cherche à placer un coinceur, celui-ci lui échappe des mains et tombe une dizaine de mètres plus bas. Heureusement, j'ai vu où il s'est arrêté, au niveau d'un arbuste et je dois pouvoir le récupérer assez facilement lorsque j'attaquerai à mon tour cette longueur.

  Un peu plus haut, Charles place un second coinceur dans une fissure, mais me signale que l'écaille de rocher qui borde cette fissure à droite a bougé lorsqu'il a mis son coinceur ! Prudence donc et, du coup, cette protection semble plus psychologique que réelle !

  Mais il surmonte la suite de ce passage sans difficultés particulière et installe son relais au pied de la partie terminale de l'Arête du Jardin.

   Quand je démarre à mon tour, je commence par aller chercher le coinceur tombé au pied de l'arbuste deux mètres en-dessous de la voie proprement dite. Je le récupère assez facilement, mais le terrain pourri demande beaucoup de précautions !

   Puis il me faut traverser une dalle vers la droite pour rejoindre la fissure qui suit ; c'est un mouvement en adhérence sur les pieds, pas aussi facile qu'il n'en a l'air et, de nouveau, je ne suis pas très fier dans ce mouvement.

  Celle-ci n'est pas bien difficile, mais il faut bien s'y prendre ; le passage est raide, le rocher très moyen, et l'on 'est placé un peu de travers ce qui ne facilite pas les choses. Et lorsque j'arrive au coinceur placé par Charles, je constate qu'en effet, l'écaille de rocher bouge un peu. mais le coinceur, lui, tient parfaitement bien ! Profondément enfoncé dans la fissure, je m'escrime de longue minutes pour tenter de le décoincer. Ma position est très incorfortable et je suis en train de me "vider" dans cet exercice... Et lorsque je je saisis mon "outil à décoincer", celui-ci m'échappe des mains et disparaît une vingtaine de mètres plus bas ! Cette fois, pas question d'aller le récupérer... sa disparition passera par profits et pertes. Mais, en l'absence de cet outil, toutes mes tentatives pour récupérer le coinceur s'avèrent vaines et je finis par abandonner la partie... et le coinceur !

  J'en serai quitte pour en donner un de même taille à Charles.

  Passablement épuisé par ce travail inconfortable, je reprends l'escalade de la fissure laborieusement et rejoins Charles au relais en soufflant comme un phoque. Si ça continue ainsi, je vais y passer tout le bestiaire !

   La suite, heureusement, est beaucoup plus facile. Charles "tire" quatre-vingts mètres de corde sur le fil de l'arête, très aérienne, et installe un relais à peu de distance du départ de la dernière partie de l'anchaînement, l'Arête Sud-Ouest de la Croix où Alain et Jean-Pierre sont déjà engagés.

    Je rejoins mon fils et Charles va faire relais au départ de cette dernière arête, au milieu d'une dalle.

 

     Tandis que j'arrive à ce relais, assez inconfortable, Alain, de son perchoir, me demande quel est l'itinéraire à suivre. Je le lui indique de mon mieux alors que Charles grimpe la première longueur de l'arête et va faire relais au niveau d'un chêne au pied du passage-clé de cette dernière partie du parcours.

      Il s'agit maintenant d'escalader un dièdre vertical sur six ou sept mètre puis de traverser légèrement à droite pour faire le relais suivant.

      Charles attaque ce dièdre peu difficile , mais où le premier piton se trouve quatre mètres au-dessus, passage donc relativement exposé. Puis il faut faire un très beau mouvement vers la gauche, très aérien, pour revenir dans l'axe du dièdre. Charles m'indique alors qu'il va installer le relais un peu plus haut que celui où était Jean-Pierre car il semble meilleur.

  Enfin, Charles "avale" la corde, mais celle-ci a la très heureuse idée de se coincer deux mètres au-dessous du relais autour d'une méchante souche de chêne. Il me faut donc absolument descendre la décoincer sous peine de rester boqués ici jusqu'à la consommation des siècles. La perspective de finir mes jours  en ces lieux magnifiques mais au confort discutable ne m'enthousiasme pas outre mesure et je me mets donc à descendre pour récupérer la corde. Mais je suis auto-assuré trop court et me trouve bloqué à une vingtaine de centimètres de la souche ! Je remonte, manipule mon "noeud de cabestan" pour rallonger ma corde (heureusement que nous utilisons cette bonne vieille technique dans les voies de plusieurs longueurs en terrain "montagne" !) et finis par mater la rebellion de notre corde d'attache. Charles avale donc le reste de celle-ci et je peux enfin repartir.

      Mais lorsque je suis à mon tour aux prises avec le dièdre et que, la fatigue aidant, je demande à Charles de m'assurer "un peu sec", celui-ci me répond qu'il fait ce qu'il peut et que de toutes façon il se trouve sur un "relais de merde" ! Voilà qui est bien fait pour raviver chez moi un courage déjà bien défaillant et, rassemblant le peu qu'il  m'en reste, je m'applique à grimper le plus légèrement possible, testant chaque prise... alors que le rocher est excellent !

     Un dernier mouvement sur une petite rampe de rocher compact, et je rejoins mon fils au relais. Ce dernier n'est pas si mauvais qu'il le disait, heureusement, mais il est un peu exigu. Les manoeuvres de récupération de la corde coincée nous ont fait perdre un peu de temps et, du coup, nous ne voyons plus la cordée d'Alain et Jean-Pierre qui doivent être maintenant sortis au sommet. Charles attaque sans tarder la longuer suivante qui se présente comme une série de ressauts plus ou moins verticaux sans difficultés majeures. Je le rejoins rapidement et, comme les difficultés sont terminées, je repars en tête pour terminer la voie. Le terrain est facile mais le rocher pas toujours très bon et je place deux sangles autour de solides arbustes avant d'apercevoir soudain la Croix de Provence une vingtaine de mètres au-dessus de moi.

    Puis Alain et Jean-Pierre m'interpellent du sommet en me signalant qu'il neige ! Je ne m'en étais même pas aperçu, concentré que j'étais sur mon sujet, c'est à dire l'attention à ne détacher aucune pierre car Charles aurait été exposé à leur chute.

   En fait de neige, il ne s'agit que de quelques flocons, mais il était tout de même temps de "sortir" car le temps s'est diablement couvert !

   Enfin j'arrive au sommet, Alain et moi assurons Charles qui arrive à sont tour au pied de la Croix. Il est quinze heures trente ; sans avoir été très rapide, l'allure a tout de même été correcte. Alain et Jean-Pierre ont eu le temps de casser la croûte en nous attendant et, quant à nous, nous décidons d'aller manger au refuge un peu plus bas.

   Initialement, nous avions envisagé de descendre par le tracé vert Forcioli, mais nous sommes assez fatigués et le temps menaçant nous incite à rentrer au plus court, par le Pas de l'Escalette.

   Je me livre au dernier exercice épuisant de la journée : le pliage de quatre-vingt mètres de corde et, ayant rangé le matériel dans les sacs, nous prenons la direction du refuge du Prieuré.

   Là, nous cassons enfin la croûte et Charles a poussé le sybaritisme jusqu'à monter une canette de bière, juste récompense, juge-t-il, à son dévouement de premier de cordée !

 

    Enfin nous entamons la descente. Celle-ci est assez pénible pour moi car mon tendon d'Achille gauche, ajouté à une douleur au genou droit me font de plus en plus souffrir.

   Mes compagnons m'attendent depuis dix minutes lorsque j'arrive au parking d'En Chois. Nous sommes assez éprouvés physiquement ; pourtant, ce parcours ne présente pas de bien grandes difficultés, mais nous avons quelque peu perdu l'habitude de ces longues voies... Et puis les années sont passées par là.

   "La vieillesse est un naufrage", conclus-je d'un ton désabusé avant de remonter dans la voiture.

 

Fiche technique

 

Escalade

Montagne Sainte-Victoire

 

Dénivellation : 630 m positive (400 m d'escalade)

Horaire : 6 h 30 (dont 5 h d'escalade proprement dite)

Difficulté : Ensemble AD (Voie des Moussaillons : AD sup, maximum 4c ; Arête du Jardin : PD, maximum 3 c ; Arête Sud-Ouest : AD, maximum 4c)

Rocher : bon dans l'ensemble

Matériel : Corde de 60 m suffisante, un jeu de "friends" et/ou de coinceurs, 3 ou 4 sangles et/ou cordelettes, 8 dégaines, casque.

Topo : "Escalades dans le Massif de la Sainte-Victoire, tome 1" par B. Gorgeon, C. Guyomar et A. Lucchesi chez Edisud (1983, épuisé)

 

Période favorable : toute l'année (sauf les mois d'été)

Date du parcours : 26 mars 2014

Météo : Nuageux à couvert ; quelques flocons en sortie de voie et gouttes de pluie au retour

Participants : Alain, Charles, Jean-Pierre et Marcel

 

Lien photographique :

 

https://picasaweb.google.com/vieuxloup52/GRANDPARCOURSDELACROIX260314#

 

 

 

 

Dans la deuxième longueur de l'Arête du Jardin, où nous avons abandonné un coinceur.

Dans la deuxième longueur de l'Arête du Jardin, où nous avons abandonné un coinceur.

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Tu as raison, Jean-Luc, concernant la vieillesse : il faut souvent lire mes propos au 2ème voire 3ème degré ! Quant aux 80 m de corde, on peut s'en dispenser et ne prendre qu'une corde de 60 m, mais nous n'avions qu'une 80 m... C'est d'ailleurs mon fils qui l'a trimballée !<br /> En attendant, vieux ou pas, nous sommes toujours là et je te souhaite de pratiquer encore longtemps les activités qui te sont chères. Et moi, je ne suis jamais aussi heureux que lorsque je partage ces loisirs avec mes deux fils auxquels j'ai heureusement transmis ce sain virus !<br /> Amicalement,<br /> Marcel
Répondre
J
Mais non la vieillesse n'est pas un naufrage surtout dans l'état de santé physique dans lequel tu es ! mais c'est vrai qu'il ne faut pas regarder dans le rétro sinon le moral en prend un coup. Je ne fais pas d'escalade, mais je suis souvent en rando parfois musclée, et je plonge profond depuis longtemps et quand moi aussi je compare mes plongées d'aujourd'hui et celle d'il y a encore 5 ans..j'ai les mêmes sentiments que toi. Pourtant il suffit seulement de s'adapter à la situation, c'est comme ça qu'on est toujours entiers et en vie et qu'on a progressé, aujourd'hui le sommet (de nos perfs) ayant été atteint il nous reste seulement à préserver l'acquit et...a rester &quot;entiers&quot; !<br /> Merci pour ces belles grimpettes que je ne ferai jamais car maintenant trop vieux pour commencer (oh putain..rien qu'à l'idée de transporter 80m de corde... !) <br /> à bientôt et pourquoi pas un de ces jours sur les pentes de la face sud, ou ailleurs.<br /> jluc
Répondre

Présentation

  • : A-même-la-Planète.over-blog.com
  • : Blog consacré à la randonnée pédestre, à l'escalade, à l'alpinisme, au VTT et à la montagne en général, assorti d'un éphéméride.
  • Contact

Recherche

Liens